Eric Caritoux 28 Novembre 2006 / 15 juillet 2013
Jean était taciturne, il communiquait peu avec nous. Il était aussi assez énigmatique, un peu "sorcier" ! Mais, en revanche, il savait motiver ses coureurs : lorsque l'un d'entre nous était bien placé, il lui faisait monter des roues légères, pour une arrivée en bosse, par exemple, et cela, toujours sans rien dire. C'était sa façon de montrer qu'il nous faisait confiance, sans discuter pendant des heures, à travers des petits gestes comme cela, il faisait passer le message !

Sa devise n'était-elle pas : "plus penser que dire pour parvenir" ?

Il avait une aversion pour les discussions d'argent ! Parler d'argent lui donnait des "boutons" et ce n'était pas simple de demander une augmentation ! Mais il a donné l'opportunité d'une carrière professionnelle à tant de jeunes coureurs comme moi par exemple !

Je pense que si tous les directeurs sportifs avaient eu sa mentalité, le cyclisme serait encore un sport sain : il était contre le dopage, formellement contre ! Il n'aimait pas beaucoup les docteurs, n'avait pas confiance en eux (peut-être un peu visionnaire ?), ni les psychologues, et il pensait que ceux-ci, plutôt que de soigner, avaient l'art de semer le doute dans l'esprit des gens. Selon lui, un coureur qui se rendait trop souvent chez le docteur ne marchait plus. En revanche, il était très à cheval sur la diététique et pensait que le simple respect de ses règles suffisait à se maintenir en forme, ne pas tomber malade, et à "marcher" tout simplement !

Et dernière chose, il était la bête noire des femmes ! Il faut dire qu'il n'aimait pas beaucoup les voir "traîner" auprès de ses coureurs ! Il appartenait à cette génération d'hommes dans le milieu cycliste un peu misogynes, mais lui l'était particulièrement ! Ma femme se cachait parfois, lorsqu'elle venait m'encourager sur le bord des routes, dès qu'elle l'apercevait dans la voiture de l'équipe. Mais rien ne lui échappait. Christian Rumeau, le soir, rapportait alors les réflexions de « de Gri « en course : "Qu'est-ce qu'elle fait là celle-là !"...

Voilà ce que l'on peut retenir de Jean, en tant que coureur ayant fait partie de l'équipe, mais j'ai sûrement omis d'autres aspects du personnage, ne m'en veuillez pas !


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15 juillet 2013, journal le Dauphiné.

En 1983, j’étais néo-pro. Il n’était pas prévu que je fasse le Tour. Mais au championnat de France à Carcassonne, je suis dans l’échapée et je crève à 10 km de l’arrivée. Jean de Gribaldy (le patron de l’équipe Sem - Mavic) me dit de filer directement à Besançon pour un petit stage avant le Tour.

« Si tu as une valise pour une semaine, ça sera bon pour trois ». « J’avais quand même pris la place de gars comme Beucherie. C’était quelque chose de participer à la plus grande épreuve du monde ». Son grand moment.

« Tout avait mal commencé puisque je termine dernier du prologue, sans tomber, ni crever. J’étais à bloc pour la première étape de montagne. Je n’avais jamais couru sur des pavés. Au contre-la-montre par équipes, je me retrouve avec des gros rouleurs comme Kelly, Agostinho et Boyer. Après, plus ça avançait, mieux j’étais. Dans les Pyrénées, j’avais attendu Kelly dans l’Aubisque puis le Tourmalet et il s’était ensuite débrouillé. Au général, je termine 24 e. C’était une satisfaction. J’avais aussi terminé 2e du classement du handicap ». Sa vision du Tour.


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