Joaquim
Agostinho et Jean de Gribaldy. Une amitié longue de 25 ans,
qui
débute durant la saison 1969, quand Jean invite Joaquim
à
venir courir en France. Le portugais lui répond par un
sourire
affirmatif. Il a déjà 27 ans, mais sa
carrière
professionnelle va alors commencer sous les couleurs Frimatic. Jean a
repéré Agostinho dès 1968, au
Brésil,
durant le Tour de Sao Paulo que le coureur natif de Silveira Torres
Vedras remporte brillamment. Une équipe d’amateurs
du
Vicomte participe à la course.
Le soir même le
Vicomte
corrige les propos de ses coureurs un peu près en ces termes
« ce ne sont pas trois minutes qu’il vous
a mis, mais
douze ! ». Agostinho confirme ses
incroyables
capacités aux Championnats du Monde des
professionnels...qu'il n'aurait pas du disputer car il
était
toujours amateur ! Il est à l'origine de
l'échappée victorieuse après cinquante
kilomètres de course qui
permet
à l'italien Vittorio Adorni de l'emporter à
Imola le 1er septembre 1968.
Joaquim est 16ème, au terme d'une course
magnifique.
Longtemps, les équipes de Jean ont
reposé sur les seules épaules, si solides, de
Joaquim Agostinho, rescapé de la guerre
d’Angola. Frimatic,
Hoover, Van Cauter Magniflex, il en est l’indiscutable
leader, le
pilier. Merckx, qu’il admire par dessus tout, salue
très
vite sa combativité et son courage. Le courage. Que de
chutes,
d’écorchures, de souffrance Joaquim !
Mais quelle
abnégation, quel panache.
Chacun aura t’il saisit
la
beauté de ton regard, perçant et invincible,
quand tu
partis à la conquête de l’Alpe
d’Huez en
1979 ? Un homme d’une gentillesse rare,
aimé par tout
le peloton, et idolâtré dans son pays. Beaucoup se
souviennent de ses passages à Besançon, et tous
saluent
l’homme souriant, attachant et accessible qu’il
était. « Un grand coureur,
très combatif, un vrai guerrier. J’ai couru contre
lui quelques années, et c’était
toujours un plaisir d’avoir un adversaire comme
lui » dira Bernard Hinault.
Parti en 1973, sous les couleurs Bic puis Teka, Jean
gardera toujours un oeil sur ce coureur devenu son ami, continuant
à suivre ses résultas et à lui
prodiguer ses conseils. Joaquim reviendra chez Flandria en 1978. Jean
s’y occupe en particulier des coureurs français
(Bittinger, Tinazzi, Calzati, Muselet, les frères Hosotte),
mais beaucoup aussi, de Joaquim Agostinho. Les deux hommes ne se
quitteront plus.
Après le triomphe de l’Alpe
d’Huez, Joaquim deviendra le leader de
l’équipe Puch en 1980, et restera
auprès de Jean sous les couleurs Sem jusqu’en
1983. Une ultime chute en course le 30 avril 1984, au Tour de
l'Algarve au
Portugal, terrassera Joaquim. Mais de cette chute, pourtant, comme
toujours, il s’en était d’abord
relevé.
Galerie photos ICI.
"A la fin de ma vie, s'il ne me fallait
conserver que le
souvenir d'un seul endroit au monde, je n'hésiterais pas
longtemps : je choisirais ce petit hôtel
brésilien,
insignifiant, discret, de Sao Paulo où j'avais
donné
rendez vous à Joaquim. C'était en 1968. Je
l'avais
remarqué deux mois plus tôt à Imola, au
championnat
du monde, mais c'est là que je lui ai parlé pour
la
première fois. Je lui ai demandé simplement :
"Voudrais-tu venir courir en France" ? Il ne connaissait aucun mot de
français, mais dans son sourire j'ai compris tout de suite
ce
qu'il voulait me répondre. Que de chemin parcouru ensemble
depuis...
Que de souvenirs nous rattachent l'un à l'autre.
J'appréhende ce jour, très proche, où
il dira
adieu à cette bicyclette avec laquelle il a connu les joies
les
plus immenses et les peines les plus profondes. Car ce jour
là,
et il le sait bien, l'existence n'aura plus du tout pour moi la
même signification.
Alors pour atténuer ma peine, je
fermerai les yeux et je recommencerai à zéro,
avec Joaquim".
Jean
de Gribaldy, 1980.
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