"Dès ma prise de fonctions en 1977, j'ai bien évidemment rencontré Jean de Gribaldy mais mes relations personnelles avec lui se sont nouées un peu plus tard à l'occasion de discussions autour de jeunes coureurs que nous avions aidés en soutenant une équipe de chômeurs, les Amis du Tour de France. A cette époque, il fallait déjà songer à sauver le Tour et le cyclisme ; seulement 100 concurrents avaient pris le départ de l'édition 1977 !
Dans cette opération survie, à laquelle il apportait sa contribution avec ses moyens, mais aussi en encourageant ma volonté de mondialiser le cyclisme grâce au Tour de l'Avenir, remis sur pieds après avoir été laissé à l'abandon, son rôle fut donc assez déterminant et nous avions vécu avec la même passion et le même enthousiasme l'obtention du titre de champion de France de poursuite par Patrick Hosotte, son poulain mais aussi membre des Amis du Tour.
A la différence des autres directeurs sportifs, aux palmarès parfois prestigieux, il n'était pas donneur de leçons, il ne refaisait pas le cyclisme, mais il se plaisait à imaginer à travers les talents en herbe les futurs champions. C'était ça très visiblement qui le faisait vibrer. Il avait pour ses coureurs l'amour qu'on porte à ses enfants qu'on veut voir réussir dans la vie.
A l'instar d'autres spécialistes du genre, il avait ce talent particulier qui permet de repérer chez les jeunes sportifs les qualités physiques et intellectuelles qui font la différence, qui font les champions. Il m'avait aussi étonné par sa familiarité avec le monde du show-business. Dans ce domaine là-aussi il "reniflait" les gens qui avaient du talent, Ã l'instar du jeune Jean-Philippe Smet dont il fut un des premiers admirateurs avant d'êre son ami.
C'est aussi dans ce domaine que je suis tenté de ranger ses premiers contacts avec Bernard Tapie, un artiste à sa manière, qu'il a su amener et accompagner sur le chemin du sport cycliste avec la réussite que l'on sait. Il est vrai qu'ils avaient beaucoup en commun: une certaine marginalité, une réelle passion pour le sport et, le cas échéant, de la distance vis à vis des convenances ou de l'esprit des règlements... A l'évidence, Jean de Gribaldy fait partie des personnages que j'ai particulièrement apprécié de rencontrer puis de côtoyer au cours de ces années vécues dans l'univers du cyclisme."
NB : Xavier Louy fut Directeur Adjoint du Tour de France entre 1977 et 1987, puis Directeur de 1987 Ã 1989. Il a publié "Sauvons le Tour" aux Editions "Prolongations", un ouvrage mêlant faits historiques, anecdotes insolites et révélations sur la Grande Boucle. Pendant plus de 10 ans, Xavier Louy a vécu cet événement sportif de l'intérieur. C'est donc à la fois le regard d'un expert et d'un passionné que l'auteur livre dans cet ouvrage.